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DEUX SIÈCLES D'HISTOIRE...

L'école primaire de l'Institut de l'Enfant-Jésus fêtera bientôt ses 200 ans d'existence. Plongez-vous dans les couloirs du temps pour (re)découvrir les moments-clés et apprécier l'évolution de notre établissement durant ces deux siècles d'Histoire.

 

Fondements éthiques
Notre école fut fondée en 1834 par Justine Desbille.

Née à Nivelles en 1801, cette fervente chrétienne est sensible à la détresse morale et intellectuelle des milieux populaires de son temps. En 1818, au terme des études secondaires, elle décide de devenir religieuse et en 1823, elle rejoint le béguinage de Nivelles où les soeurs font la classe aux enfants pauvres. C'est dans ce contexte qu'elle se familiarise avec le métier d'institutrice et acquiert le brevet nécessaire à l'exercice de cette profession. Elle se sent cependant à l'étroit dans son statut de béguine, trop peu libre de prendre des initiatives qui lui permettraient de moderniser ses pratiques. Elle se fait peu à peu à l'idée de fonder sa propre congrégation enseignante.

En 1834, elle quitte le béguinage, s'installe dans le pavillon de campagne que sa mère possède sur les hauteurs du Mont Saint-Roch et y ouvre une école qui prendra bientôt le nom d'Institut de l'Enfant-Jésus. Dès l'origine, le projet éducatif de l'école présente donc deux traits caractéristiques : d'une part, la fondatrice exige un enseignement de qualité, base d'une solide formation intellectuelle et d'une adhésion réfléchie aux valeurs évangéliques ; d'autre part, elle place réellement l'enfant au centre de sa pédagogie. Le choix du nom de l'institution est à cet égard très suggestif.

 

Options pédagogiques
Fonder une congrégation religieuse enseignante ne s'improvise pas. À l'époque où elle s'installe sur le Mont Saint-Roch, Justine Desbille fait la connaissance du Supérieur de la maison des Pères jésuites de Nivelles. C'est avec son aide qu'elle rédige la règle de vie de la communauté des soeurs. Ce texte, toujours d'actualité, est largement inspiré par la spiritualité d'Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus. Par contre, c'est à Jean-Baptiste de la Salle, fondateur de la congrégation des Frères des écoles chrétiennes, qu'elle emprunte les objectifs de son action apostolique et les principes de son organisation pédagogique. L'originalité et la spécificité de la « culture d'enseignement » de l'Institut de l'Enfant-Jésus découlent de la synthèse de cette double influence : excellence intellectuelle et sens du bien commun.

Une telle entreprise coûte cher. Justine Desbille bataille ferme pour trouver les fonds nécessaires. Elle en appelle au soutien de personnes fortunées mais cela ne suffit pas. Elle décide alors d'ouvrir son école aux enfants de la bourgeoisie, moyennant le versement d'un minerval, et met l'argent ainsi récolté au service de l'alphabétisation des moins favorisés. Cette manière de faire crée les conditions d'une mixité sociale qui est, jusqu'à nos jours, une source d'enrichissement humain pour l'ensemble des élèves de l'Institut de l'Enfant-Jésus.

Justine Desbille, désormais Mère Gertrude, première supérieure générale de la congrégation et première directrice de l'école, n'ignore pas qu'à son époque le personnel enseignant est peu cultivé et mal formé professionnellement. Elle estime que son oeuvre portera davantage de fruits si elle se charge aussi de la formation des maîtresses d'école. En 1849, il est question d'ouvrir une école normale pour institutrices à Nivelles. La fondatrice effectue des démarches pour que son établissement soit choisi par le gouvernement et à l'automne 1850, les premières étudiantes institutrices prennent place sur les bancs de l'Institut de l'Enfant-Jésus... Pendant plus de 150 ans, l'école primaire et l'école normale vivent en symbiose. Elles partagent la même direction, les mêmes locaux, les mêmes équipements didactiques. Cette situation présente des avantages pédagogiques indéniables que le transfert de l'école normale à Louvain-la-Neuve en 2008 n'a pas amoindris. L'école primaire conserve son statut d'école d'application, les maîtres continuent à collaborer à la formation pratique des étudiants instituteurs. Des contacts fréquents avec les professeurs d'école normale favorisent un dialogue profitable à chacun, militent sans trêve pour une amélioration et une actualisation des contenus et des méthodes d'enseignement. 

La famille Desbille possède une propriété sur les hauteurs de Nivelles, au nord de la ville. En 1834, la mère de Justine Desbille y fait construire un pavillon de campagne et s'y installe avec sa fille, future fondatrice de la congrégation des Soeurs de l'Enfant-Jésus. C'est là que Justine Desbille ouvre, la même année, ce qui deviendra l'école primaire de l'Institut de l'Enfant-Jésus. Les élèves sont hébergées dans la maison et la classe se fait dans la petite étable visible à droite de l'image. À partir de 1836, le bâtiment et ses dépendances hébergent également les premières soeurs et forment le noyau primitif du couvent.

La petite communauté religieuse et éducative se trouve vite à l'étroit. En 1837, Justine Desbille et sa mère décident d'édifier un bâtiment plus grand servant à la fois de couvent et d'école. Pour réaliser cette tâche, elles sollicitent l'architecte nivellois Raymond Carlier, l'un des premiers restaurateurs de la collégiale Sainte-Gertrude. Raymond Carlier dessine un bâtiment de style néoclassique aux lignes nettes et symétriques, soigneusement recouvert d'un enduit clair qui lui vaut le nom de « maison grise ». Terminé en 1839, ce bâtiment occupait l'emplacement de la maison de repos pour personnes âgées construite en 2011 à côté de l'Institut.

En 1849, les soeurs de l'Enfant-Jésus obtiennent l'autorisation d'ouvrir une école normale pour institutrices. Le bâtiment construit entre 1837 et 1839 s'avère à son tour trop exigu. Entre 1844 et 1869, les soeurs acquièrent les terrains situés entre les actuelles rue des Coquelets et rue de Sotriamont. En 1870, un vaste bâtiment s'étire dans le prolongement de la « maison grise ». Ce bâtiment, appelé « maison rouge » en raison de ses briques non enduites, abrite l'école et son internat tandis que l'autre maison constitue désormais le couvent. Le rez-de-chaussée de l'école est réservé aux locaux de cours, les étages renferment les dortoirs. À l'époque, en effet, quasi toutes les élèves sont internes.

Le bâtiment édifié en 1870 est l'objet de nombreux agrandissements pour faire face à la croissance de la population scolaire. Il prend alors l'apparence que nous lui connaissons aujourd'hui. Détruit par un incendie en 1909, il est surélevé et doté d'un fronton surmonté d'une grande croix et orné d'une niche abritant une statue de l'Enfant-Jésus. Cette statue, toujours en place, est bénie par le Cardinal Mercier en 1919. Une aile supplémentaire, renfermant une salle des fêtes (l'actuelle « salle à colonnes »), une salle de gymnastique (conservée en l'état jusqu'à nos jours) et des bureaux, est annexée en 1922 du côté de la rue de Sotriamont (à droite de la photographie).


À la même époque, le grand espace situé à l'arrière des bâtiments est aménagé en plaine de jeux bordée d'un trottoir-promenade équipé de bancs. Le long du parcours, en haut de la plaine, est construite une grotte de Lourdes. On aperçoit à l'arrière-plan une partie du potager de l'Institut, emplacement occupé aujourd'hui par la cour de récréation des enfants de l'école maternelle. Au-delà s'élève la vieille maison qui abrita jusqu'à la fin des années 1970 les chambrettes des étudiantes institutrices et qui a fait place en 1988 au bâtiment de l'école maternelle.

Jusqu'au début des années 1960, l'école primaire de l'Institut de l'Enfant-Jésus et l'école normale primaire sont logées dans le même bâtiment. Les deux institutions vivent en étroite relation. Les étudiantes institutrices n'ont que quelques mètres à parcourir pour s'installer au fond d'une classe primaire et assister à une leçon-modèle donnée par une maîtresse chevronnée. Elles sont accompagnées par leur professeur de pédagogie et leur professeur de didactique, toutes les deux revêtues de l'habit des soeurs de l'Enfant-Jésus.

Après la Deuxième Guerre mondiale, l'école connaît une croissance relative à la démocratisation des études secondaires. Les locaux commencent à manquer. Dans les années 1960, l'école primaire devient plus autonome et reçoit sa propre direction. L'école maternelle ouvre, elle, ses portes en 1964. La décision est prise de construire un bâtiment à leur usage exclusif le long de la rue des Coquelets qui, jusqu'en 1975, est encore un chemin de terre bordé de vergers et de pâtures. Cette construction industrialisée, à toiture plate, est agrandie à deux reprises, en 1970 et en 1977. Elle sera complétée dans les années 1980 par une aile supplémentaire comprenant une salle d'éducation physique et des classes, puis par un bâtiment destiné aux enfants de l'école maternelle.

Construit en 1978-1979 pour offrir à l'Institut de l'Enfant-Jésus une infrastructure sportive moderne et mettre à sa disposition une grande salle à usage polyvalent, le bâtiment qui borde le parc du côté de la rue de Sotriamont est doté, sur son flanc sud, d'une série de classes réservées aux étudiants instituteurs. Après le transfert de l'école normale à Louvain-la-Neuve, en 2008, ces locaux sont occupés par les élèves de l'école primaire. C'est aussi dans ce bâtiment qu'est installée leur Bibliothèque Centre de Documentation (BCD).

 

 

 

Quelques traces...

Dès ses débuts, l'Institut de l'Enfant-Jésus s'efforce de pratiquer un enseignement exigeant. Dans ce but, les soeurs n'hésitent pas à acquérir un matériel didactique performant. À l'école primaire, les enfants n'apprennent pas seulement à lire, à écrire et à compter. Ils découvrent aussi le monde à travers les « leçons de choses », appelées aujourd'hui les « leçons d'éveil ». Cette découverte se fait sans sortir de la classe, d'où ces collections de roches, ces boîtes d'insectes, ces animaux empaillés, ces échantillons de produits divers qu'on trouve en abondance dans l'école d'autrefois. Parmi les collections didactiques figurait notamment le « Musée industriel scolaire », fameux en son temps. Il se compose de douze coffrets contenant un choix de produits utilisés dans la vie quotidienne. Trois coffrets abordent le thème de l'alimentation, cinq sont consacrés aux vêtements et trois autres s'intéressent aux matériaux de construction. Le dernier, visible ici, traite des « Besoins intellectuels » : supports et instruments d'écriture.

Cette planche didactique de géographie intitulée « Le paysage brabançon » (dessin d'Amédée Lynen) provient d'une série de vingt et une chromolithographies entoilées (dimensions de 72 x 110 cm) réalisées à la demande des responsables de l'instruction publique de la Ville de Bruxelles pour les classes des écoles primaires communales. Soucieux de former le sens esthétique des élèves, les commanditaires s'adressent à des affichistes de renom pour dessiner ces panneaux. Parmi les artistes sollicités, on trouve Henri Cassiers, Amédée Lynen, Marc Henry Meunier, Pierre Paulus, Fernand Toussaint, Florimond Van Acker, etc. La qualité et l'attrait de ces outils didactiques incitent l'éditeur De Rycker et Mendel, de Bruxelles, à les diffuser plus largement. Les soeurs de l'Enfant-Jésus acquièrent la collection complète.

Un mobilier ergonomique et robuste équipe les classes d'école primaire de l'Institut de l'Enfant-Jésus dès le milieu du XIXe siècle. Ce banc-table (dimensions de 100 x 71 x 70 cm) est plus récent et date de 1900 environ. Il est destiné à trois enfants de petite taille, sans doute de première année. Le plan de travail, très légèrement incliné, est fixe et les casiers, sous la tablette, sont accessibles directement, ce qui évite l'usage d'abattants à charnières. Une planche repose-pieds et des patins solidarisent la banquette et la tablette. Celle-ci est percée d'un seul trou d'encrier, ce qui suggère un usage encore parcimonieux du porte-plume : jusqu'à nos jours, en début d'apprentissage, le crayon sert davantage que la plume.

L'animation spirituelle occupe une place importante dans l'école d'autrefois comme dans celle d'aujourd'hui, mais elle s'exprime de façon plus visible et plus insistante. Outre les statues de saints et de saintes qui peuplent à profusion l'intérieur et l'extérieur des bâtiments, les murs sont partout décorés d'images de piété. Parmi celles-ci, beaucoup restent en place durablement. D'autres, par contre, sont renouvelées périodiquement. C'est le cas, par exemple, des affiches qui suivent pas à pas le déroulement de l'année liturgique. Entre 1923 et 1934, l'Institut de l'Enfant-Jésus reçoit les lithographies en couleur (dimensions de 62 x 39 cm) dessinées par de Jos Speybrouck (1891-1956) pour l'Apostolat liturgique de l'abbaye Saint-André de Bruges. Ces images aux structures très symétriques et aux lignes très épurées s'inspirent du préraphaélisme et du symbolisme. Elles sont aussi très représentatives du style Art déco.

Le système métrique décimal est matière obligatoire des leçons d'arithmétique dans nos écoles à partir de 1850 environ. Les directives pédagogiques y insistent : il faut disposer en classe des nouvelles unités de mesure et les faire manipuler par les élèves. L'Institut de l'Enfant-Jésus, comme de nombreuses autres écoles à l'époque, fait l'acquisition des outils nécessaires. Ces récipients cylindriques en tôle peinte étaient utilisés pour mesurer les liquides, mais aussi les solides en grain. Ils s'emboîtent aisément (et logiquement) les uns dans les autres pour en faciliter l'entreposage et le transport. À cet effet, le récipient le plus grand (dimensions de 42 x 40 cm) est muni de poignées. Une mention écrite précise la contenance de chaque cylindre. La mesure la plus grande est 50 litres et la plus petite 0,01 litre.

Le sigle de l'Institut de l'Enfant-Jésus de Nivelles a une longue histoire. Comme les sigles des firmes industrielles et commerciales, il évolue avec le temps. On y découvre cependant une constante : la présence de la croix entre les lettres E et J. Au fil des années, les éléments constitutifs sont tantôt arrondis, tantôt carrés, ornementés ou dépouillés, entrelacés ou séparés, froids ou chaleureux. Mais, d'une manière générale, la symbolique manque de force. Le sigle le plus récent (ici sur un autocollant de 7,8 x 10,8 cm), toujours en usage, date de 1978. Dessiné par Michel Olyff, il prend, pour la première fois, un aspect figuratif. La silhouette de l'Enfant-Jésus est aisément reconnaissable entre les lettres E et J lisibles en positif comme en négatif. La croix est toujours présente, mais à travers la position des bras de l'Enfant-Jésus. Bien davantage que les précédents, ce nouveau sigle est porteur d'un message à la fois pédagogique et spirituel.